Déjà adoptée sans modification par la Commission des affaires sociales le 12 octobre dernier, la procédure controversée de récupération des indus des professionnels de santé libéraux par extrapolation est validée de fait par le 49.3 engagé désormais sur la totalité du PLFSS* 2023 par Mme Borne !

Le mercredi 12 octobre dans la soirée, la commission des affaires sociales avait déjà examiné et adopté sans modification la procédure controversée de récupération des indus par extrapolation de l’article 44, depuis, les 49.3 successifs de Mme Borne ont fait passer en force l’ensemble des articles !

Sous prétexte de vouloir lutter contre la fraude des professionnels de santé, cette réforme, si elle est adoptée en l’état, donnerait aux caisses primaires d’assurance maladie le droit de récupérer auprès de tous les professionnels de santé libéraux et indépendants des montants d’indus en extrapolant les résultats du contrôle de leur activité (pour rappel, l’extrapolation consiste de tirer des conclusions à partir de données partielles, mais ce droit ne constituerait-t-il pas un abus de droit ?).

Concrètement, avec cette proposition de texte, le Gouvernement accroît encore les pouvoirs des directeurs caisses, leur donnant le droit de rechercher sur une période de plusieurs mois seulement au lieu des 3 ans habituels, les erreurs ou fautes de facturations des professionnels, mais surtout de les extrapoler à 3 ans pour le calcul définitif du montant de l’indu.

Nous ne sommes donc plus sur des chiffres avérés mais sur une extrapolation de délits statistiques potentiels, qui fait fi au passage de la présomption d’innocence, de la charte du praticien contrôlé, tout en inversant la charge de la preuve et en obligeant le professionnel à se défendre directement devant les tribunaux sans aucune conciliation préalable possible comme il se doit dans les procédures contentieuses préalables.


Ainsi fait, le directeur de la caisse exerce un pouvoir de vie ou de mort sur l’activité du professionnel concerné  et s’arroge le droit de priver totalement de revenu ce dernier qui , de conséquence, ne pourra le contester, faute de moyens, rendant ainsi la somme « opposable pour les deux parties », c’est à dire irrécusable par la suite, et tout de suite recouvrable ! Il faut savoir que jusqu’à présent en Droit français seul un jugement émanant d’un procès à l’issue de plaidoiries contradictoires peut conclure sur le montant final et le rendre opposable, cela s’appelle l’autorité de la chose jugée.

Une fois de plus notre gouvernement, nos parlementaires, contournent le problème directement lié aux effectifs des contrôleurs de la sécurité sociale et servent des objectifs financiers clairement identifiés dans les fiches d’évaluation préalable des articles du projet de loi portés par la majorité parlementaire.

L’Onsil dénonce un tour de passe-passe statistique totalement inadmissible, en faveur et sous l’autorité d’une seule personne : le directeur de la caisse.

Dans son application, cette nouvelle procédure réécrit la loi qui encadre et protège le contentieux des indus, notamment l’Article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, et va à l’encontre des dispositions jurisprudentielles qui régissent les indus. En effet, celles-ci obligent les caisses demanderesses d’un indu à conserver la charge de la preuve de l’erreur commise par le professionnel auprès duquel elle sollicite le remboursement, comme cela a été récemment confirmé par la cour d’appel de Nîmes (CA de Nîmes – ch. sociale, 2 juillet 2019 N° 17/01156 et qu’à défaut de rapporter les éléments justificatifs permettant de l’établir, la juridiction ne pourra retenir le bien-fondé de sa demande.)

Comment accepter une récupération d’indus conclue par simple extrapolation, sans pièce justificative portant preuve de l’anomalie fautive ? L’Onsil s’y refuse !

Comment cet amendement pourrait-il favoriser l’implantation sur tous les territoires de nouveaux professionnels et prétendre lutter contre les déserts médicaux ? Impossible !

Dans le contexte de fragilité économique, structurel et fonctionnel dans lequel se trouve notre système de santé et plus particulièrement celui de la médecine de ville, comment justifier cette mesure coercitive vis-à-vis de l’exercice libéral, si ce n’est pour renflouer coûte que coûte et le plus rapidement possible les caisses de la sécurité sociale, en occultant les dégâts humains et professionnels occasionnés  sur des professions dont les infirmiers libéraux déjà épuisés, malmenés et déconsidérés ?

Compte tenu des propos entendus par l’Onsil, syndicat présent à l’occasion de l’ouverture du Conseil national de la refondation de notre système de santé le lundi 3 octobre 2022 au Mans, compte tenu des propos soutenus par le ministre de la santé BRAUN en faveur d’une approche générale, participative et pragmatique à toutes fins de refondation de notre système de santé pour le meilleur de chacun, il est inadmissible de constater encore une fois de plus que  les promesses n’engagent que ceux qui y croient  et que “La politique ne consiste pas à faire taire les problèmes, mais à faire taire ceux qui les posent.” (Henri Queuille Président du Conseil sous la IVe République)

L’Onsil s’associe à la colère des médecins libéraux, à tous les professionnels de santé concernés, appelle tous les syndicats sans exception de représentativité à faire union contre cette aberration de récupération par extrapolation, et invite notre gouvernement à revoir au plus vite sa copie et ses intentions.

L’ensemble des professionnels de santé libéraux et tout particulièrement les infirmières et infirmiers libéraux, que l’Onsil représente, ces derniers déjà fortement éprouvés toutes raisons confondues, ne sont ni sourds, ni aveugles. Ils seront encore moins soumis !

L’adoption du PLFSS 2023 et plus particulièrement de cet article 44 par la procédure du 49.3 confirme la fragilité de ce texte qui est passé en force, ce qui remet en cause le débat démocratique.

Les derniers mouvements sociaux observés qui ont paralysé la France entière demeurent une source de réflexion si d’avenir et pour les raisons précitées la probité professionnelle qui honore l’exercice libéral infirmier devait être contrariée par des mesures coercitives, inappropriées, difficilement contestables et applicables sans aucun débat contradictoire préalable.

En tout état de droit, avant sa promulgation, la loi de financement est traditionnellement soumise à l’appréciation du Conseil constitutionnel, l’Onsil, comme toujours, sera attentive à cet effet et prévient de grands conflits à venir si cette mesure était appliquée !

L’Onsil, l’autre syndicat.

Rejoignez-nous, adhérez ici en un clic !

*Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale

D’autres articles qui
pourraient vous intéresser